Mauritanie : une grande boucle dans l’Adrar …
Du 8 au 14 février 2023.
Sable, cailloux, tôle ondulée et boue, il ne manquait rien à notre circuit dans l’Adrar !
560 kilomètres éprouvants pour les hommes et les machines, mais des paysages grandioses malgré un temps inhabituel pour la Mauritanie : souvent gris et même parfois pluvieux !
Nous étions prévenus : "L'Adrar, pays déshérité, vie plus rude...
Ici nous ne sommes que des hôtes, sans la moindre voix au chapitre, ignorés avec une sereine indifférence, ou provisoirement tolérés ; ici, ce n'est pas en notre honneur que fonctionne la machine et nous n'y sommes guère le centre du monde ; il est bon, parfois, de se l'entendre répéter par quelques coins de nature sauvage, vierge, et qui ne ment pas" (Théodore Monod – « Méharées »).
Bien dit, Théodore, c’est tout à fait ça !
La carte est interactive : vous pouvez zoomer et la déplacer à votre guise ...
Mercredi 8 février :
Nous arrivons en fin de matinée à Atar pour un bref passage avant de retrouver Ahmed. En 2013 et 2014, nous l’avions rencontré dans son fief d’Azougui, à quelques kilomètres d’Atar, où il tient désormais un campement dans sa concession familiale. Nous y sommes accueillis très chaleureusement par toute la famille et Ahmed, guide depuis plus de vingt ans dans la région, est un informateur précieux …
Il nous fait découvrir son village qui compte quelques jolis « tikits » traditionnels, petites huttes à l’allure très africaine.
L’après-midi se termine par une activité inattendue : une partie de pétanque au club local dont il est membre.
Oui, les mauritaniens adorent la pétanque et pratiquent beaucoup ce jeu !
Quel dommage que nous n’ayons pas pris contact avec Ahmed avant notre départ de France : il rêve d’une paire de boules, très difficiles à trouver en Mauritanie. Il y en a quand même quelques-unes au club et, pour la petite histoire, sachez que la sélection française (Cathy, Jean et moi-même) a gagné une petite partie improvisée contre le club local (ils ont été gentils je crois et nous avons eu de la chance !) …
La journée se termine par un excellent riz au poisson préparé par Meryem
Jeudi 9 février :
Le centre d’Atar est extrêmement animé toute la journée autour du souk. Les rues poussiéreuses et jonchées de déchets sont partagées entre les passants, les ânes, les chèvres et d’antiques Mercedes. Il y a aussi d’énormes camions qui font les livraisons et il suffit d’une quinzaine de voitures pour créer un embouteillage dont chaque conducteur essaie de se sortir à grands coups de klaxon sous le regard blasé d’un policier débonnaire.
Le souk est rustique à souhait (notez le pain présenté dans des brouettes !) …
Provisions faites, nous abandonnons cette source inépuisable de photos pour prendre la piste vers Chinguetti.
Très vite, après être montés sur le plateau par la nouvelle piste, nous nous arrêtons pour apercevoir le Fort Saganne, un bâtiment construit en 1984 pour le film éponyme d’Alain Corneau. On ne peut plus y accéder depuis que l’ancienne piste, par la passe d’Amogjar, est impraticable.
Plus authentiques et anciennes sont les gravures rupestres voisines, dans un site superbe, que le vieux Mohammed nous fait découvrir …
Après une bonne séance de tôle ondulée sur une piste « Orangina » (Secouez-moi, secouez-moi !) nous bivouaquons à quelques kilomètres de Chinguetti, nous réservant sa visite pour le lendemain matin.
Deux bergers montés sur leurs ânes seront notre seule distraction d’une soirée grise et ventée …
Vendredi 10 février :
« Parfois, alors qu'il n'espère plus rien du paysage inhumain où il trace lentement sa route, le voyageur aperçoit, posée comme un bijou sur la nudité vertigineuse du Sahara, une de ces roses de sable faites de silice blonde, nées du désert et de la caresse du vent » écrivait Odette du Puigaudeau en 1935.
Pour nous, ce matin le ciel est gris, chargé de vent de sable, et Chinguetti n’a pas ses couleurs éclatantes habituelles. Pour tout dire, « La Mecque mauritanienne », comme on surnomme la ville, est un peu tristounette avec ses maisons abandonnées et envahies par le sable. En déambulant dans les ruelles, nous admirons néanmoins les belles constructions de pierre et les portes anciennes …
Fondée en 777, rebâtie une première fois en 1276, carrefour du commerce transsaharien capable d’accueillir 30.000 chameaux par nuit, 7ème ville sainte de l’Islam sunnite, fameuse université islamique … pour retrouver un peu de ce prestige, nous visitons chez Seif Islam une de ces précieuses « bibliothèques » conservées tant bien que mal par les vieilles familles de Chinguetti …
Pour terminer notre matinée nous prenons la « batha » (l’oued) en direction de l’erg Ouarane et de ses immenses dunes. L’ensablement du jour (cette fois c’est Philippe qui s’y colle) mettra fin à notre virée !
Une petite balade, quelques photos … le froid et la grisaille nous font fuir …
Direction Ouadane, environ 80 kilomètres de piste plus loin (vu le « bourbage » du matin, la piste directe par la batha n’est plus d’actualité !).
Nous passons la soirée et la nuit au campement de Zeïda, toujours aussi pétulante.
Et une vraie douche chaude, ça fait du bien !
Samedi 11 février :
De Ouadane nous ne verrons pas grand-chose. Tandis que nos amis vont visiter la vieille ville en ruine que nous connaissons déjà, nous nous attaquons à un chantier qui n’a que trop trainé : démontage, nettoyage et colmatage de notre penderie envahie régulièrement par le sable et la poussière. La coupable est identifiée, c’est une entrée d’air du chauffage située sous le véhicule. Je la condamne avec les moyens du bord car même si les températures sont fraiches pour ce pays, le chauffage est tout à fait inutile …
Avant de repartir vers midi, nous avons tout juste le temps de visiter le voisin du camp, un suisse qui vit là à l’année dans deux vieux camions impressionnants qui ne bougent pas beaucoup et pour cause : ces engins peuvent consommer jusqu’à 100 litres aux cent dans le sable !
En allant faire une photo de la vieille ville je tombe sur Mohammed Salem qui cultive un jardin bien rafraichissant dans l’oued …
La ville nouvelle, qui surplombe l’ancienne, n’ayant guère d’attrait en dehors de sa pompe à essence, nous prenons rapidement la piste du Guelb er Richat.
Un nouvel exercice de navigation nous attend. Nous disposons dans ce genre d’endroit de trois sources pour nous guider, dont aucune n’est vraiment fiable : les traces de 4x4 au sol, la carte ou figurent certaines pistes données par le GPS et enfin les fichiers de traces suivies par nous ou d’autres voyageurs que l’on peut y afficher.
Les premières sont intéressantes, surtout si elles sont récentes, mais peuvent aussi mener à un camp de nomades ou toute autre destination différente de la nôtre. Les deux autres, claires quant au but final, ont l’inconvénient de ne pas être actualisées. Nous en ferons l’expérience à plusieurs reprises quand une grande dune se dressera juste en travers de notre route. Nous devons alors improviser un nouveau passage …
Il nous faut l’après-midi pour parcourir la quarantaine de kilomètres qui, à vol d’oiseau, nous séparent du centre du Guelb er Richat où nous bivouaquerons finalement. Encore une fois les pelles et les plaques de désensablement seront sorties (pour Jean et moi cette fois).
Nous avons quand même le temps de contempler de belles tombes de nomades et les curieuses pierres colorées qui émergent ici ou là du paysage lunaire …
Dimanche 12 février :
Il faut bien l’avouer, le Guelb er Richat, si impressionnant sur Google Earth, est très décevant d’en bas, particulièrement sous les conditions de visibilité que nous connaissons.
Jugez vous-mêmes : voici les photos prises par Jacques, un photographe disposant d’une aile motorisée, rencontré lors d’un précédent séjour …
Et voici ce que nous voyons …
Pour entretenir le moral, nous démarrons la journée … par une nouvelle partie de pétanque !
Mais cette fois c’est avec de petites courges bien rondes qui se prêtent parfaitement à une partie et que l’on trouve à profusion près de notre bivouac …
L’ambiance est à la rigolade et nous ne nous doutons pas de ce qui nous attend !
Nous avons bien les traces d’une piste qui sort du Guelb pour rejoindre El Beyed dans la plaine mais très vite nous butons sur une dune qui s’est malencontreusement déplacée ici. Une petite reconnaissance ne nous donne pas d’alternatives à proximité et nous décidons de forcer le passage.
Il nous faudra trois heures d’efforts et plusieurs ensablements pour passer les trois véhicules !
Vous verrez ça sur le film, je n’ai pas eu le temps de prendre des photos …
Il nous faut ensuite monter et descendre dans des pierriers très éprouvants pour les véhicules, traverser les zones de sable entourant El Beyed avant de nous arrêter peu avant la nuit à l’écart du village, si on peut donner ce nom à quelques rares bâtiments et tentes.
Fatigués par ces quelques kilomètres parcourus à grand peine, nous espérons éviter l’assaut des vendeuses nomades qui guettent les rares touristes. Loupé ! Nous ne sommes pas posés depuis un quart d’heure qu’elles s’installent, dans le noir avec leurs pacotilles. Je négocie leur retrait contre la promesse de quelques achats le lendemain matin et elles finissent par partir en riant …
Lundi 13 février :
Le matin au réveil, un petit stand est dressé devant trois des femmes qui nous attendent en silence.
Après avoir effectué les achats promis, nous prenons la direction d’Atar. La magnifique vallée, entre montagnes à gauche et dunes à droite, n’a pas, vu le temps, la splendeur que nous lui avons connue sous le ciel bleu. Mais ce n’est quand même pas vilain !
La pluie a rendu le sable plus dur, ce qui est une très bonne chose, mais par contre la sebkha de Chem Cham est bien boueuse. Mais après ce que nous avons vécu hier, tout parait facile. Quelques rencontres "égaient" le parcours …
Comme pour nous narguer, le ciel redevient bleu en fin de journée alors que nous arrivons à Atar avant de retourner nous poser chez Ahmed à Azougui.
Mardi 14 février :
Aujourd’hui, journée sans rouler !
Il n’y en a pas tant que ça et c’est bien agréable, d’autant que notre tournée dans l’Adrar n’a pas été de tout repos. Depuis trois jours l’Iveco de Philippe a une fuite d’huile au niveau du pont arrière et il est temps de s’en occuper. Avec l’aide d’Ahmed, une solution provisoire est vite trouvée et mise en oeuvre …
Je profite de leur aller-retour à Atar pour effectuer quelques courses au souk et - comment s’en empêcher ? – quelques dernières photos …
On the road again : le résumé en images des routes et pistes du moment …
Le saviez-vous ?
Surnommée « l’œil de l'Afrique » le Guelb er Richat est une structure d’environ 50 km de diamètre qui ne s'observe pleinement que depuis l’espace (elle sert d’ailleurs de repère aux cosmonautes). En 1934, Théodore Monod est le tout premier explorateur et scientifique à visiter cette étrange formation connue depuis quelques années seulement. Le premier il mettra fin aux théories fantaisistes en expliquant sa formation par un phénomène volcanique géant vieux de 100 millions d’années suivi d’un effondrement différentiel dû à l’érosion.
Il y retournera à de très nombreuses reprises et y effectuera sa toute dernière mission en décembre 1998, à l'âge de 96 ans. A ce moment, ne pouvant plus marcher comme auparavant, il a dû s’y faire conduire en 4x4 et même parfois porter.
Qui était son chauffeur ? Notre ami Ahmed !
Le top : lors de nos deux passages à Azougui, Ahmed a été d’une aide très précieuse pour la réparation sur l’Iveco, pour les renseignements sur les pistes, pour des achats à Atar au bon endroit … et au bon prix !
Pour notre dernière soirée, lui et sa famille, toujours aux petits soins, nous ont réservé une surprise. Après le délicieux couscous d’orge préparé par Meryem, Nickie, Nicole et Catherine ont reçu des « melhfas » en cadeau et bien sûr une séance photo a suivi …
Pendant tout notre séjour en Adrar et dans les jours qui ont suivi notre départ, Ahmed a toujours communiqué avec nous par What’sApp pour prendre des nouvelles.
Un vrai bonheur de séjourner dans cette famille !
Le flop : il suffit de regarder mes photos pour constater que nous n’avons pas vu beaucoup le soleil pendant cette boucle dans l’Adrar. La grosse perturbation qui dans le même temps inondait et enneigeait le Maroc s’est fait sentir jusqu’en Mauritanie. La pluie parfois, le ciel bas souvent chargé de sable et de poussière, ont donné aux paysages traversés une couleur et une atmosphère bien particulière à laquelle nos voyages précédents ne nous avaient pas habitués.
L’anecdote : la vie de chèvre en Mauritanie n’est guère enviable. Certes elles sont souvent habillées d’un joli soutien-gorge mais c’est pour empêcher leurs petits de boire tout le lait que leurs maitres souhaitent récupérer. Et surtout elles semblent livrées à elle-même pour la nourriture et on les voit fréquemment manger du carton ou du plastique !
Parfois imitées par les ânes qui en plus doivent porter de lourdes charges …
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