2016 - D'oued en oued...
Lundi 1er février 2016 :
Cette semaine nous quittons la maison de Sidi Ifni et la caravane pour une petite expédition de quelques jours en compagnie de nos deux couples d’amis Philippe et Catherine, Jean et Christine. Eux ont leur maison sur le 4x4 puisqu’ils sont équipés de cellules, nous, nous partons léger avec une tente deux secondes et deux matelas mousse. Nous avons fait les présentations samedi car ils ne se connaissaient pas et, comme nous le pensions, la mayonnaise a vite pris : nous devrions former une bonne équipe.
Nous sommes en charge de la première partie du voyage qui commence très soft puisque nous avons seulement une soixantaine de kilomètres de route à parcourir pour rejoindre la palmeraie de Tighmert près de Guelmim. Les cellules s’installent près de la Maison Saharaouie où nous prenons pour cette première nuit une petite chambre. Après le déjeuner sous les palmiers nous faisons une bonne promenade dans les petits chemins de la palmeraie. Même si certaines parties sont à l’abandon, elle reste toujours assez coquette avec ses petits jardins verdoyants, ses seguias alimentées par l’oued Noun et ses belles maisons de pisé.
Le soir tout le monde dine chez Saliha à la maison Saharaouie où le cuisinier Abeddine nous a concocté un super menu : soupe marocaine, pastilla aux courgettes et tagine de fruits. Après cet excellent repas, Saliha nous prépare le thé et nous fait profiter de sa parfaite connaissance de la région. Ce sera une bonne source d’inspiration pour les deux jours à venir…
L’anecdote du jour :
Peu avant la route de Tighmert, à la sortie de Guelmim, nous nous arrêtons au Marjane implanté là tout récemment. Les Marjane sont des grands magasins implantés dans toutes les grandes villes du Maroc.
Sauf que Guelmim est resté une petite ville saharienne et que ce bâtiment au milieu de nulle part parait vraiment bizarre. S’y arrêtent les quelques touristes de passage et de rares marocains qui viennent de la ville à bord des « petits taxis » ou des petites motos triporteurs qui en tiennent lieu.
C’est une telle nouveauté ici que nous voyons une famille se photographier à l’intérieur du magasin comme s’ils étaient devant la Tour Eiffel ou la grande pyramide !
L’image du jour : deux exemples de ces petits triporteurs multifonctions : passagers, marchandises, bestiaux… peuvent s’’y entasser…
Mardi 2 février 2016 :
Nous quittons définitivement le goudron ce matin pour suivre une piste le long de l’oued Noun. L’occasion de découvrir quelques beaux paysages et le petit barrage qui régule l’eau vers la palmeraie.
Mais ce que nous cherchons c’est une source d’eau chaude que nous a indiquée Saliha. Nous finirons par la trouver avec un peu de chance car nous n’avons pas le point GPS et elle n’est pas visible de loin. Il s’agit en fait d’un forage à 800 m de profondeur qui délivre une eau 40° comme nous l’expliquent deux marocains qui sont là à prendre le thé. Ils proposent gentiment de s’éloigner pour que nous puissions nous laver mais nous déclinons leur offre (quelques jours plus tard, couverts de poussières comme nous étions, nous aurions accepté avec enthousiasme !).
Coordonnées de la source chaude : N 28° 55.101 W 009° 50.673
Après ce petit arrêt nous reprenons la piste en direction de Tadalt, le petit village où vit la famille Bouchrouaat que nous avons rencontrée lors de voyages précédents, toujours grâce à Saliha. Hassan a un jardin bio dans la petite palmeraie, sert de guide dans le coin et propose même quelques tentes berbères pour les voyageurs de passage. Nous arrivons vers 13 heures, après avoir serpenté par des pistes très roulantes sur le plateau où sont installés quelques nomades et leurs troupeaux.
La piste de Tighmert à Tadalt.
Coordonnées du campement d’Hassan : N 28° 45.651 W 009° 46.445
Les retrouvailles avec Hassan, Alia et leurs cinq enfants sont chaleureuses et après le traditionnel thé saharaoui nous nous installons devant un copieux couscous au chevreau dont nous nous régalons … malgré, monde cruel, les appels de la chèvre toute proche qui cherche son petit !
Comme nous, les enfants ont manifestement gardé le souvenir de l’après-midi magique que nous avions passée dans la grande dune toute proche il y a quelques mois et attendent avec impatience de renouveler l’expérience. Voici la vidéo de novembre 2014, aujourd'hui c’est « copier-coller », à part le retour !
La dune des Bouchrouaat (images de 2014)
Nous embarquons donc tout ce petit monde, y compris le Tonton Brahim, dans les 4x4 pour une petite sortie à la dune mais avec cette fois un détour par les gravures rupestres toutes proches que nous n’avions pas eu le temps de visiter lors de nos précédents passages. C’est toujours émouvant de voir ces traces d’une vie d’un autre temps, quand le Sahara était vert, dans ce lieu semi désertique …
L'autruche, l'antilope et l'éléphant...
Coordonnées des gravures : N 28° 42.472 W 009° 50.009
Sur la dune nous prenons le thé, jouons dans le sable avec les enfants et philosophons avec Hassan jusqu’à ce que le soleil commence à descendre sur l’horizon.
Vu l’heure, nous allons bivouaquer sur place. J’entasse toute la famille dans le Toy pour la ramener tandis que le camp s’installe au pied de la dune. J’ai bien du mal à revenir avant la nuit car l’hospitalité d’Hassan n’ayant pas de limites il me faut palabrer longuement pour refuser avec le plus de tact possible le tagine, le pain frais, le thé … qu’il se propose de nous préparer pour ce soir !
Le moral de la troupe est au beau fixe après cette journée passée avec une famille si formidable … et avec un cadre de bivouac à la hauteur.
Le bivouac.
L’anecdote du jour :
Tandis que je m’arrête quelques instants pour attendre nos compagnons de route, j’aperçois un chacal à une centaine de mètres de nous. Il me voit aussi et prend la fuite. Je redémarre aussitôt et comme il continue parallèlement à la piste nous l’accompagnons longuement avant qu’il finisse par bifurquer et disparaitre au loin. Un beau spectacle dont vous ne profiterez pas car la conduite rapide sur la piste a mobilisé toute mon attention et je n’ai pu mettre en route ni la Gopro ni l’appareil photo !
L’image du jour : autre trace de vie étonnante dans ce milieu, cette belle chenille trouvée parmi la roquette sauvage qui agrémentera notre salade du midi (la roquette, pas la chenille !).
Mercredi 3 février 2016 :
En bivouac on se couche tôt et ce matin nous sommes debout dès le lever du jour ce qui nous permet d’apprécier les jolies lumières du matin et le lever du soleil passant la montagne.
Lumières du matin ...
Petit tour d'horizon ...
Notre prochain objectif est d’aller déjeuner près de l’oasis de Tiglite dans un endroit où l’oued Noun forme des gueltas (bassins dans les rochers, emplis d’eau). Une quarantaine de kilomètres d’une piste parfois goudronnée, offrant de jolis paysages, prétextes à plusieurs arrêts…
Tiglite, maman et son petit, la bergère, un affluent du Draa, les chèvres, les euphorbes
Comme pour la source chaude d’hier nous n’avons que peu d’indications mais un habitant de Tiglite enfourche sa mobylette et nous accompagne jusqu’au départ de la bonne piste.
Nous nous installons dans un bouquet de palmiers et découvrons ce lieu étonnant par le contraste qu’il offre entre l’environnement désertique et l’eau coulant dans des bassins emplis de poissons. Nous y sommes assez vite rejoints par un groupe de gamins arrivés d’on ne sait où, présence sympathique bien que troublant quelque peu le calme du coin ! Ce qui ne nous empêche pas de déguster les trois côtes de bœuf achetées lundi au Marjane de Guelmim, accompagnées d’un grand plat de frites car Catherine ne recule devant rien en matière culinaire !
Les gueltas de Tiglite.
Coordonnées des gueltas : N 28° 26.336 W 010° 22.300
Nous reprenons notre progression vers l’ouest en début d’après-midi. Elle est de plus en plus lente car peu à peu la terre et le sable font place à des pistes caillouteuses assez dures à négocier.
Les pistes du jour :
Nous avons pris un peu de retard sur le programme et, la nuit approchant nous nous posons dans le lit de l’oued Draa en compagnie de quelques grenouilles. Le ciel est loin d’être menaçant, une crue de l’oued est plus qu’improbable !
Nous trouvons un petit coin de graviers pour poser nos mousses, la nuit devrait être bonne …
Bivouac au fond de l'oued.
L’anecdote du jour :
Dans la matinée nous sommes passés à El Borj, petit village assoupi dans la plaine poussiéreuse. Nous espérons y trouver du pain et demandons à trois hommes s’il y a une « picerie » dans le village. Non il n’y en a pas (ici chaque famille cuit son pain) mais l’un d’entre eux part fouiller dans son sac, en sort un morceau de pain qu’il partage et nous en tend la moitié que nous avons bien du mal à refuser !
En fin d’après-midi nous atteignons le gros village d’Aouinet Ighoman où se trouvent deux ou trois boutiques mais … sans pain. Toutefois on nous demande d’attendre un peu… Un coup de téléphone et trois minutes plus tard un homme arrive en moto avec un sac de pain : sauvés !
L’image du jour : aux gueltas de Tiglite les palmiers très rapprochés ont entremêlé leurs palmes pour tisser un bel abri voûté.
Jeudi 4 février 2016 :
La nuit a été fort paisible, car nous sommes loin de toute présence humaine …
Philippe qui connait bien la région est désormais en charge de l’itinéraire.
Nous reprenons la piste pour sortir du Jbel Guir dans lequel coule le Draa pour rejoindre l’oasis d’Ouin Medkour où nous avions prévu de dormir hier soir.
Coordonnées de l’oasis de Ouin Medkour : N 28° 24.078 W 010° 50.573
C’est un lieu magnifique avec ses gueltas, ses palmiers et ses pelouses de carex. Nous y passons la matinée et y déjeunons (une famille marocaine, installée non loin de nous, nous offre du foie grillé puis nous porte le thé) avant de reprendre notre route le long du Draa en direction de son embouchure. Nous avions pensé y bivouaquer ce soir mais encore une fois nous avons pris du retard : une crevaison du Toy de Philippe et un passage à TanTan pour refaire le plein des véhicules ont eu raison de notre planning. Nous sommes contraints de stopper sur le plateau à quelques kilomètres seulement du but. Il faut dire que nous n’avançons guère vu l’état des pistes : une alternance de passage de sable et de rocaille avec parfois de véritables escaliers à gravir. Au train où nous allons, nous aurions terminé de nuit !
Ce plateau n’est pas très hospitalier. Il est venté et très caillouteux ce qui n’est pas l’idéal pour notre tente qui à la base n’est pas une tente faite pour coucher mais pour servir d’appoint. De plus le ciel s’est chargé de nuages et il ne fait pas chaud. Mais à la guerre comme à la guerre, nous n’avons pas le choix !
Pour une fois nous ne dinons pas dehors mais dans les cellules. Et comme le vent secoue bien la tente, nous mettons des boules Quiès pour nous endormir !
Les pistes du jour :
L’image du jour :
L’anecdote du jour :
Du fait de la crevaison, nous voyons à plusieurs reprises un groupe de jeunes marocains dont je ne comprends pas de suite le manège. Tout s’éclaire après un moment : ils sont quatre et n’ont que trois vélos. Deux partent devant à vélo, laissant derrière eux un marcheur et un cycliste qui, solidaire, marche à pied. Après quelques kilomètres, l’un des deux cyclistes revient vers eux avec les deux vélos tandis que son camarade continue à pied. Ils se retrouvent à trois avec trois vélos, rejoignent le marcheur de tête et … je vous laisse poursuivre la suite de cette histoire qui se termine probablement à Tan Tan distante d’une douzaine de kilomètres.
L’histoire du loup, de la chèvre et du chou, version marocaine !
Vendredi 5 février 2016 :
La tente ne s’est pas envolée cette nuit (bien lestée par quelques grosses pierres) et malgré quelques cailloux dans les côtes, la nuit s’est bien passée.
Nous parcourons ce matin les quelques kilomètres qui nous séparent de l’embouchure du Drâa, Foum Drâa en arabe. Du haut de la falaise, près des ruines du fort construit jadis par les français, le spectacle est superbe malgré quelques nuages.
Nous descendons marcher un peu jusqu’à la mer avant de reprendre la piste qui longe l’Atlantique vers le nord. On n’y croise que quelques misérables cabanes de pêcheurs regroupées aux abords de la piste.
Après une trentaine de kilomètres nous arrivons en vue de l’oued Aoréora qui barre notre route. Il est cerné d’immenses dunes près desquelles nous déjeunons en vue d’un autre ancien fort français avant de chercher un passage pour descendre dans l’oued.
Finalement la piste qui accède au fond de l’oued, reconnue à pied par nos copilotes (Catherine, Christine et Nickie), est assez bonne et pour une fois c’est en début d’après-midi que nous posons le bivouac. Le lieu est magnifique : nous sommes à 500 mètres de la mer, au fond de l’oued, adossés à la rive gauche rocheuse qui nous protège du vent, face à la grande dune qui forme la rive droite.
Nous allons marcher jusqu’à la plage, immense à marée basse, et déserte à l’exception de deux pêcheurs qui viennent relever leurs filets.
A l’un deux nous achetons pour 10 euros toute sa pêche : deux beaux bars mouchetés, un petit bar, deux soles et deux autres poissons dont nous ne connaissons pas le nom. Une petite collecte de bois mort dans les environs et voilà un excellent repas pour ce soir !
Comme toujours, le coucher de soleil sur les dunes est somptueux.
Les pistes du jour :
L’anecdote du jour :
Nous revenons de la plage suivis par deux chiens qui s’installent dans notre campement malgré la présence de Vesta, la chienne de Jean et Christine, qui semble les ignorer. Ils attendent patiemment les restes de poissons et se couchent pour la nuit. Nous avons l’impression qu’ils nous gardent ce qui se vérifie le matin quand j’ouvre la fermeture éclair de la tente : ils aboient et se précipitent dans ma direction. M’ayant reconnu, ils retournent se coucher paisiblement. Question de Christine : vont-ils nous demander deux dirhams comme le font les gardiens de parking en ville ?
Notre camp avec ses gardiens.
L’image du jour :
Voici l’équipement qu’un pêcheur a soigneusement protégé sur la plage : une grosse chambre à air de camion qui sert de bouée et d’embarcation. Cette pêche est assez répandue sur la côte. Equipés de palmes, les pêcheurs vont assez loin au large. Inutile de dire qu’avec les vents souvent forts qu’on y rencontre c’est une activité à risque !
Le saviez-vous ?
Le Drâa est le plus long fleuve du Maroc. Il se forme par la réunion de plusieurs oueds du Haut-Atlas entre 3.000 et 4.000 mètres d’altitude et se jette dans l’Atlantique 1.100 kilomètres plus loin. En fait il coule très rarement sur la totalité de son parcours : il se perd dans les sables du Sahara au sud de Zagora pour ne réapparaitre qu’à une cinquantaine de kilomètres de son embouchure, là où nous l’avons rejoint.
Samedi 6 février 2016 :
Nuit paisible, à peine perturbée par le passage improbable d’un véhicule dans l’oued, qui a déclenché quelques aboiements de nos nouveaux gardiens.
Il nous reste, pour boucler la boucle, à remonter l’oued Aoréora sur une trentaine de kilomètres afin de rejoindre la route goudronnée TanTan – Guelmim.
C’est sans doute la plus belle piste de la semaine. Nous naviguons au fond de l’oued entre dunes et falaises, avant de remonter sur le plateau, dans des paysages magnifiques.
De plus c’est un concentré de tout ce que l’on peut faire en 4x4 : sable, boue, cailloux et tôle ondulée se succèdent. Donc la progression est lente, si bien que, partis à 9 heures, nous nous arrêtons pique-niquer avant la route, dans un autre bel endroit bordé de gueltas.
Parvenus à la route, nous quittons Jean et Christine pour quelques jours. Ils reprennent leur descente vers le sud tandis que Philippe, Catherine et nous remontons à Sidi Ifni.
Les pistes du jour :
L’image du jour :
L’anecdote du jour :
Rentrés à Sidi Ifni en fin d’après-midi, nous ne rêvons que d’une chose : une bonne douche, car nous sommes couverts de poussière après cette semaine sans grandes toilettes.
Loupé !
Malika, la voisine, nous annonce que l’eau est coupée dans tout le quartier. Il va donc falloir remonter un seau d’eau de la citerne et faire avec …
Notre parcours :
Au total nous avons parcouru 600 kilomètres, dont environ la moitié de pistes, dans des environnements variés et souvent magnifiques. Ces quelques jours resteront certainement comme un des grands moments de nos voyages au Maroc.
Un grand merci à nos compagnons de route pour leur excellente compagnie et leur support logistique qui a bien compensé notre équipement sommaire. Merci particulier à Philippe pour les images qui sont venues compléter les miennes …
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