Des berbères aux saharaouis ...
Du 19 au 24 novembre 2024.
Les changements sont nombreux durant ces quelques jours : paysages, altitude, climat et tenues vestimentaires se modifient peu à peu. Le caractère berbère affirmé de Tafraoute laisse place doucement à une identité saharaouie de plus en plus perceptible alors que nous avançons vers le sud. Même la langue parlée couramment change : le « tamazight », dialecte des berbères, est supplantée par le « hassania » arabe. …
La carte est interactive : vous pouvez zoomer et la déplacer à votre guise ...
Pour une fois, Tafraoute ne nous a pas accueillis sous un soleil radieux. Nous avons même quelques gouttes de pluie alors que nous bivouaquons dans un amas de rochers au bout de la palmeraie …
Mais cette grosse bourgade garde tout son charme. Nous sommes à la veille du souk hebdomadaire et déjà quelques marchands sont installés le long de l’oued …
Quant aux fabricants et marchands de babouches, la spécialité locale, ils sont omniprésents au marché couvert …
Nous allons saluer Rachid, le frère de notre amie Hafida, et bien sûr il nous invite tous les six à prendre le thé, puis à déguster un délicieux tajine le lendemain midi.
Avant de quitter Tafraoute, nous passons voir les rochers peints, une des attractions du coin, dans un cadre superbe …
Notre étape suivante, c’est la vallée des Aït Mansour avec, au fond des gorges, son incroyable palmeraie aux jardins verdoyants contrastant avec l’aridité des montagnes environnantes …
En haut des parois qui dominent de façon impressionnante le fond des gorges, quelques agadirs en ruine témoignent du temps ou les razzias entre tribus étaient monnaie courante …
Routes sinueuses, plissements géologiques des montagnes, les courbes dominent dans les paysages que nous traversons à la sortie des gorges …
Ce qui nous attend ensuite va du sublime au déprimant.
Nous avions découvert lors d’un précédent séjour le petit village d’Aoukerda, cul de sac au fond de gorges aux parois vertigineuses et nous avions envie de le revoir, tout en sachant que les inondations récentes y avaient fait de terribles dégâts. (https://www.yvesetnickie.com/2022/11/canyons-agadir-anti-atlas.html )
Le début de la route vers le village est toujours aussi spectaculaire et magnifique, avec ses canyons, ses rochers découpés et l’incroyable fenêtre percée dans la montagne …
Par contre, au fur et à mesure que nous descendons, la route est régulièrement coupée par les oueds qui débouchent latéralement dans la gorge, jusqu’au moment où elle disparait totalement sous des monceaux de roches …
Il nous faut terminer à pied jusqu’au village, dans l’angoisse de ce que nous allons trouver.
En fait, la fin de la route, construite en béton, est totalement dévastée mais seuls les quelques bâtiments situés sur la rive droite ont été emportés, en particulier l’école dont il ne reste rien …
Quelques kilomètres plus loin à vol d’oiseau (une bonne trentaine par la route), nous atteignons Igmir à l’issue d’une spectaculaire descente en lacets …
Là aussi l’oued s’est déchainé. Il a complètement emporté le pont et les maisons du bas ont subi la crue jusqu’en haut du premier étage …
Il y a eu deux morts dans ce village et la vie y est encore difficile, bien que la route soit rétablie, car tous les jardins ont été emportés. Les quelques fruits et légumes que nous avons pu offrir ont été très appréciés !
Nous poursuivons, toujours vers le sud, jusqu’à Icht (à ne pas confondre avec Ich, où nous sommes passés ii y a quelques semaines, à un bon millier de kilomètres plus à l’est). Exceptionnellement, pas de bivouac sauvage pendant deux jours, mais le camping Borj Biramane où nous pouvons prendre de bonnes douches et faire laver notre linge.
A Icht on se sent hors du temps et ça sent vraiment le sud authentique : palmeraie alimentée en eau par un système de foggara (canalisations souterraines captant l’eau dans la montagne), vieux ksar, silhouettes furtives des femmes enveloppées dans leur melhfas, dromadaires au pâturage …
La petite ville suivante sur notre route est Assa. Une bourgade saharienne où nous nous arrêtons déjeuner et faire quelques emplettes. L’appareil photo est bien sollicité …
Comment mieux terminer la semaine que par un bivouac dans les dunes ?
A part un petit scorpion (vite écrasé par Philippe) dont on aurait pu se passer, El Borj offre un cadre parfait !
On the road again : le résumé en vidéo de nos routes et pistes de Tafraoute à El Borj …
Le saviez-vous ?
Tandis que nous cherchons ici où là, avec plus ou moins de succès, des gravures rupestres, abondantes dans le sud marocain, je me souviens que des restes d’homo sapiens ont été découverts au Maroc en 2017. Une découverte majeure : d’une part jusque-là on pensait nos ancêtres originaires d’Afrique du sud ou de l’est, et d’autre part part ces « marocains » vivaient il y a 315.000 ans (les restes découverts en Ethiopie dataient de moins de 200.000 ans).
Gravures de Taidalt.
Le top
Il y a deux ans, lors de notre premier passage à Aoukerda, un petit garçon m’avait pris la main dans le village et son grand-père avait dû se fâcher pour qu’il la lâche quand nous sommes sortis du village sinon il venait avec nous.
A Aoukerda aujourd’hui, il ne reste que trois enfants … dont ce petit Yacine que j’ai été très ému de revoir car la plupart des familles ont quitté le village.
La première épicerie étant à 20 kms du village, maintenant que la route est détruite ainsi que leurs jardins, comment font les habitants pour se ravitailler ?
L’école, balayée par la crue, a été remplacée par un préfabriqué qui accueille trois élèves et les femmes font des kilomètres pour chercher de l’herbe pour les animaux …
Nous avons vu trois hommes déplacer des pierres à la main pour tenter, dans un effort paraissant dérisoire, de reconstruire la route …
Une illustration de la formidable capacité de résilience des marocains, telle que nous l’avons constatée dans toutes les régions sinistrées !
Le flop :
Les inondations ont fait d’énormes dégâts comme nous avons pu le constater à Aoukerda et à Igmir notamment. Mais ils ont aussi semble-t-il causé un véritable traumatisme chez les populations locales, comme quelques échanges nous l’ont montré.
Ainsi, tandis que nous déjeunions dans l’oued Tamanart totalement à sec, sous un ciel limpide à cent mètres de la route, deux personnes ont pris la peine de s’arrêter et sont venues nous avertir du danger en cas de nouvelle crue.
Dont ce très beau monsieur …
L’anecdote :
A Tafraoute, on me confie ce proverbe berbère : « Petit à petit, le chameau rentre dans la marmite ». Vous l’avez deviné, on dirait chez nous « Petit à petit, l’oiseau fait son nid » …
Par coïncidence, quelques jours plus tard à Taïdalt, j’ai l’occasion de replacer ce proverbe dans une conversation avec Hassan.
« Comment, un proverbe berbère ? C’est un proverbe saharaoui ! D’ailleurs les berbères n’ont pas de chameaux … » réplique t’il immédiatement !
No comment :
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