La panaméricaine de Lima à Trujillo.
Du 21 au 27 janvier 2020.
Une route plutôt moche, une visite chez les moches … mais paradoxalement de belles étapes, voilà ce qui nous attend dans la première partie de notre remontée vers le nord.
De Lima à la frontière de l’Equateur, sur 1.140 kms, la Panamericana Norte déroule son ruban d’asphalte dans de surprenants paysages désertiques. Comme la Panamericana Sur que nous avons empruntée pour rejoindre Lima, c’est un tronçon de la route continentale qui relie l’Alaska à Ushuaïa.
Franchement c’est loin d’être la plus belle route de notre périple sud-américain !
Une fois passées les tristes et interminables banlieues de Lima, elle traverse des zones désolées faites de grandes dunes et de collines stériles. Ici ou là, seule marque de présence humaine, des hangars abritant des élevages de poulets ou des panneaux attribuant la propriété de vastes terrains déserts (parfois sur des dizaines de kilomètres) à des sociétés minières ou des communautés rurales. Ces panneaux sont parfois complétés par des miradors plus ou moins délabrés dont l’utilité nous échappe vu qu’il n’y a ni surveillants ni personne à surveiller et rien à voler !
Parfois cependant, un rio permet d’irriguer une vallée formant d’inattendues oasis très vertes où poussent canne à sucre, maïs, bananes, mangues et même du riz …
Ces quelques zones sont habitées mais bien pauvres et poussiéreuses : elles offrent comme distraction principale des dépôts d’ordures déposés sur des kilomètres au bord de la route …
La Panam traverse aussi quelques petites villes comme Chimbote. A cette occasion, la quatre voies devient simple route et traverse la ville avec les embouteillages et la pagaille qui va avec. Le contournement reste à inventer au Pérou !
Pour compléter le tableau, le temps est maussade et le soleil montre rarement le bout de son nez. Tout est gris et terne, le ciel, la terre et même l’Océan Pacifique, souvent proche, que l’on a du mal à distinguer du ciel brumeux.
Je crois que j’ai bien évacué tous les aspects négatifs, voyons maintenant les côtés positifs, qui l’emportent largement au final.
Tout d’abord la température qui est parfaite : 25° à 30° dans la journée, jamais moins de 20° la nuit. Des conditions idéales pour voyager …
Nous faisons des étapes de 100 à 200 kilomètres car nous avons tout notre temps et nous ne voulons pas rouler des journées entières. Chaque fois nous sommes arrivés dans des lieux intéressants et agréables.
D’abord à la albufera de Medio Mundo, une grande lagune séparée de la mer par une immense plage littéralement envahie de cormorans, goëlands, mouettes et pélicans … Si la lagune est occupée par des rameurs en préparation préolympique, la plage elle est entièrement à nous …
Puis Tuquillo, petite station balnéaire « en devenir » où cette fois ce sont les vacanciers qui envahissent les plages dès sept heures du matin …
Ici comme ailleurs en Amérique du sud, le volley est très populaire et je ne résiste pas une nouvelle fois à la tentation de taper la balle avec les locaux. Moi qui n’ai pas touché un ballon aux Sables depuis des années …
Un peu plus loin, nous faisons étape à Tortugas dont la plage de galets noirs s’étire au fond d’une jolie baie … C’est une petite station balnéaire très tranquille même en cette saison. Comme nous sommes installés sur le front de mer, quelques promeneurs viennent nous saluer et entamer une petite discussion …
A l’approche de Trujillo, apparaissent d’immenses domaines agricoles consacrés en majorité à la canne à sucre qui semble s’accommoder, grâce à l’irrigation, du sable stérile qui règne en maitre par ailleurs. De grosses sociétés agro-industrielles gèrent ces domaines où travaillent des ouvriers agricoles transportés par bus entiers. Ici pas de miradors mais des panneaux menaçants, représentant un homme épaulant une carabine, invitent à passer son chemin !
Trujillo est proche de la mer et nous passons deux nuits à Huanchaco, la station balnéaire de cette grande ville. Beaucoup de péruviens sont en vacances d’été et de plus c’est le weekend : le bord de mer est surpeuplé !
Une curiosité de cet endroit, ce sont les « caballitos de totora », de curieuses pirogues en roseaux utilisés par les pêcheurs pour poser leurs filets. Mais il semble qu’en cette saison la plupart se reconvertissent et préfèrent louer leurs petites embarcations aux touristes …
Mais Trujillo a aussi d’autres atouts pour nous changer du bord de mer. Le centre-ville a conservé quelques magnifiques bâtiments de son passé colonial (la ville a été fondée officiellement en 1535 par Pizarro et a été à certaines périodes la capitale du pays). Nous y flânons agréablement parmi les anciens palais aux couleurs rutilantes …
Mais surtout il y a aux abords de la ville deux sites très intéressants qui vont nous permettre de découvrir des civilisations très antérieures à celle des incas.
Les huacas de la luna del sol sont des témoignages de la civilisation moche.
Une civilisation qui n’est pas laide, bien au contraire : les moches sont un peuple qui a dominé le nord du Pérou entre 100 et 800 après Jésus Christ. Ils ont laissé de nombreuses « huacas », sortes de pyramides tronquées construites en briques de pisé. De loin on dirait de grosses collines mais lorsqu’on s’en rapproche, on voit qu’il s’agit de murs de briques plus ou moins écroulés.
Tous les cent ans environ, ils agrandissaient leur construction en la condamnant puis en la recouvrant d’une nouvelle couche qu’ils décoraient de nouveau, formant au final en ensemble de bâtiments superposés, emboités comme des poupées russes. Les archéologues ont découvert dans les années 90 ces huacas couvertes de sable et ont mis à jour une petite partie de leurs décors bien conservés.
Dans les tombes des notables qui étaient enterrés là, ont été trouvés de nombreux objets témoignant de la grandeur de la civilisation moche.
A quelques kilomètres de là, Chan Chan présente sur vingt kilomètres carrés les restes d’une ville et de bâtiments religieux témoins du royaume chimu dont elle était la capitale. Elle s’est développée sur les restes de la civilisation moche à partir de l’an 850 environ et a compté jusqu’à près de 100.000 habitants, avant d’être assujettie par les incas au XVème siècle.
Le site présente les restes des multiples constructions de ce vaste ensemble : palais, temples, citadelles, salles de cérémonies, chambres mortuaires, habitations… Certaines ont été restaurées car le temps a fait son œuvre sur ces structures de pisé, sans compter les pillages des espagnols qui y auraient récupéré un trésor de 80.000 pesos d'or soit environ 5 milliards de dollars actuels !
Le saviez-vous ?
Cultivée depuis huit mille ans, la pomme de terre est appelée « papa » au Pérou où dit-on il en existerait plus de trois mille espèces. Elles sont jaunes, blanches, noires, rouges, violettes … rondes, oblongues ou recourbées …minuscules ou énormes… Toujours est-il qu’elles sont célébrées lors d’une fête nationale chaque 30 mai.
Le maïs prend également ici de nombreuses tailles et couleurs mais on n’en recense « que » soixante espèces. Notre préférée est le « choclo morado » qui sert à faire la « chicha morada », une délicieuse boisson servie très souvent au menu des restaurants populaires. Certains ont cru voir de grands pichets de vin rouge sur notre table : il s’agissait de cette chicha, non alcoolisée !
L’anecdote : à Playa Tuquillo, alors que nous venons de nous installer sur la plage pour passer la nuit, une voiture s’ensable à quelques mètres de nous. Je propose mon aide et la sors du sable en la tractant avec Trottinette. Le conducteur, un policier de la ville voisine de Huarmey, me remercie chaleureusement et je retourne m’installer.
Mais mes tongs, que j’avais laissées dans le sable, ont disparu !
Voilà une B.A. bien mal récompensée …
Le flop : la côte nord du Pérou a très mauvaise réputation auprès des voyageurs ; les vols, voire les agressions, n’y sont pas rares semble-t-il. La faute, nous dit-on peut-être avec un peu d’ostracisme, aux nombreux vénézuéliens qui ont trouvé refuge dans la région suite aux problèmes de leur pays.
Pour la première fois depuis notre arrivée en Amérique du sud nous préférons planifier des arrêts dans des endroits sécurisés. L’application Ioverlander est plus que jamais notre alliée pour trouver les bons endroits de bivouac.
Le top : finalement nous n’aurons jamais d’appréhension lors de nos étapes et nous n’avons rencontré que des gens très sympas. Par exemple à Tortugas nous nous posons devant la mer, en face d’un restau et Julian, le sympathique patron, nous donne de bonnes infos sur le village. Pendant que nous dinons le soir chez lui de crevettes et de poisson, il diffuse en notre honneur des chansons françaises : Hervé Vilard, Françoise Hardy et Lenny Escudero !
Le bestiaire : un bestiaire bien fourni !
Des crabes ...
... des mouettes ...
… des pélicans …
… mais aussi des urubus, reconnaissables facilement à leur tête rouge. Ce sont, comme tous les vautours, des charognards se nourrissant des cadavres qui trainent. A Tuquillo, ils semblent prendre leur rôle d’éboueurs très au sérieux …
… et pour finir plus terre à terre, des dindons qui glougloutent autour de Trottinette !
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