Bonjour la Colombie : Popayan et Silvia.
Du 4 au 13 mars 2020.
Nos premiers pas en Colombie sont marqués par des routes difficiles, mais surtout par deux très belles étapes : Popayan, une des plus belles villes coloniales d’Amérique du Sud, puis Silvia, réputée pour son marché … et l’accueil que reçoivent les voyageurs à La Bonanza !
Aujourd’hui nous quittons l’Equateur et, depuis Ibarra, nous montons vers la frontière colombienne. Nous l’atteignons juste en même temps que Patrick et Esperanza que nous avions quittés à Otavalo il y a trois jours.
Le passage de la frontière est pénible. Pour débuter, comme il n’y a ni vrai parking ni indications, nous dépassons allégrement la frontière et nous retrouvons en Colombie sans avoir procédé aux formalités ce qui nous oblige à repartir à pied en arrière. Il y a une longue queue côté équatorien puis, du côté colombien il faut courir à droite à gauche, faire des photocopies, plonger dans le moteur pour relever l’empreinte du numéro de châssis avec un petit bout de carbone et du scotch … Un vrai bonheur !
Encore une chance, nous échappons au contrôle plus strict qui sera instauré dès le lendemain pour le coronavirus …
Quelques kilomètres et nous sommes à Ipiales, ville sans aucun charme où, comme les cousins, nous couchons à l’hôtel. Seul intérêt pour nous, nous pouvons y accomplir quelques tâches incontournables lors des passages de frontière : changer de l’argent et acheter une SIM pour avoir de l’internet. Le lendemain, nous prenons notre assurance pour la Colombie et faisons réparer à la sortie de la ville un pneu qui avait une légère fuite.
Il est près de 11h quand nous quittons la ville … pour tomber dans des zones de travaux à n’en plus finir sur la route de montagne. A 16 heures, fatigués des virages et des travaux incessants, nous nous arrêtons dans le parc national Chimaioy après avoir parcouru seulement 80 kilomètres ! Une petite marche ne sera pas de trop pour nous détendre, jusqu’à un magnifique observatoire réalisé en "guada", un bambou très utilisé pour les constructions locales …
Pour rejoindre Popayan, notre étape suivante, nous parcourons 250 kms dans des paysages splendides. La route est du genre montagnes russes, avec des allers retours entre 600 et 3.000 mètres, et son état oscille entre passable et déplorable !
Et surtout, à nouveau, de nombreux travaux imposent une circulation alternée : il nous faudra rouler encore une bonne partie de la journée.
Petit résumé en images …
Heureusement, pour illuminer notre journée, Popayan tient toutes ses promesses. Nous avons trouvé refuge dans la cour d’un club de motards. L’endroit manque un peu de charme et la douche électrique serait dissuasive si nous n’avions pas désormais l’habitude de ce genre d’installations …
L’intérêt de cet endroit pas très glamour c’est que nous sommes à cinq minutes à pied du centre-ville dont nous profitons dès notre arrivée, ainsi que le lendemain matin lors d’une visite guidée qui nous fait parcourir les lieux remarquables du centre historique. Petit résumé rapide : Popayan a été fondée en 1536 par les espagnols et compte … 42 églises !
Malgré quelques tremblements de terre redoutables comme celui de 1983 qui causa 300 morts et l’effondrement du dôme de la cathédrale pendant les cérémonies de la « semana santa », elle conserve de magnifiques bâtiments. Le blanc domine dans la partie coloniale ce qui contribue à une unité architecturale parfaite …
Après avoir bien flâné à Popayan, nous reprenons la route en direction de Silvia, à quelques kilomètres au nord.
La première bonne raison de notre venue est de découvrir La Bonanza, connue par tous les voyageurs comme une étape incontournable en Colombie. Kika et Anouar, ex grands voyageurs marocains, s’y sont établis il y a quelques années et reçoivent dans leur grande propriété à quelques kilomètres de Silvia. Quand je dis « reçoivent » le mot est faible tant l’accueil est formidable : nous sommes invités chaque soir au thé accompagné des gâteaux préparés par leurs enfants, à déguster un tagine le dimanche, le moindre de nos souhaits est exaucé et Kika, par ailleurs modératrice du groupe « Famille AmSud » sur WhatsApp, nous fournit de nombreuses informations sur le pays et nous concocte un programme très documenté pour la suite de notre voyage.
Ajoutez la chaleur de l’accueil colombien à la tradition d’hospitalité marocaine et vous aurez une petite idée de la façon dont nous sommes reçus dans la « Suisse colombienne » !
Nous devions passer trois jours … nous restons une semaine, et ça fait du bien de se poser de temps en temps.
Outre les moments de convivialité partagés avec la famille Atmani et les voyageurs de passage, le temps fort du séjour est la visite du marché de Silvia. Kika nous amène dans son pick-up au bourg de Silvia où, tous les mardis, se réunissent les indiens guambianos descendus depuis leurs communautés situées sur les collines environnantes du « paramo ».
Kika est un guide attentionné et parfait tandis que le spectacle est partout dans la rue.
Il y a d’abord les maisons colorées du village …
… une magnifique collection de vieux Toyota BJ, ancêtres de notre Trottinette, et la 4L d’un marchand itinérant …
… et les formidables « chivas », des camions aménagés en bus aux couleurs chatoyantes avec un vrai bric à brac de colis divers sur le toit …
Mais l’attraction principale ce sont les indiens guambianos, aux étranges tenues : tous portent la jupe, noire pour les femmes, bleue à liseré rose pour les hommes !
Le marché est très animé. On y trouve principalement une grande profusion de fruits et légumes, mais aussi des produits de médecine traditionnelle, de la quincaillerie, des vêtements …
Le saviez-vous ?
En Colombie, on dénombre une centaine d’ethnies indigènes et près de 60 langues et dialectes.
En 1890, la loi colombienne avait déterminé « la manière dont doivent être gouvernés les sauvages en voie de civilisation ». Tout un programme !
C’est seulement à la suite de la Constitution de 1991 que l’État reconnait officiellement les peuples indigènes et leur accorde des terrains et des droits spécifiques.
Comme les autres groupes, les indiens guambianos de Silvia sont organisés en communautés où règne la propriété collective. Ils bénéficient d’une grande autonomie, gérant, selon leurs traditions et avec leurs responsables, l’éducation, la justice, l’environnement, la santé …
Malgré ces avancées, tous les problèmes les concernant ne sont pas réglés.
Les réserves indigènes, notamment celles de la région, ont vécu de manière directe le long conflit colombien, mêlant dans une grande confusion forces gouvernementales, guérilla, milices paramilitaires et narcotrafic. Le gouvernement n’a pas encore réussi à faire remplacer par des cultures légales la coca et la marijuana et, encore récemment, des indigènes ont été victimes d’attaques meurtrières de la part de dissidents de l’ex-guérilla des FARC sous influence des narcotrafiquants.
De plus, la plupart des peuples indigènes vivent dans des zones riches en ressources naturelles et doivent faire face à d’énormes pressions de la part des sociétés minières.
Ces groupes indigènes sont désormais très bien organisés et leurs revendications sont appuyées par une forte mobilisation qui les font craindre par les autorités.
La situation intérieure en Colombie semble très complexe et, pour autant que je puisse en juger, l’opinion des autres groupes ethniques (blancs, noirs et métis) parait divisée entre sympathisants et opposants excédés par les barrages de route et les « faveurs » accordées aux amérindiens.
Le top : les petits restaurants servent pour moins de deux euros un repas complet qui nous dispense de faire la cuisine le midi ! Le menu est relativement invariable mais excellent : soupe, plat de poulet, riz, bananes frites …, plus une boisson locale.
Le flop : nous voyons sans cesse des vénézuéliens marcher le long de la route. Ce souvent de jeunes hommes, parfois des couples ou des familles avec enfants. Parfois un petit sac à dos pour seul bagage, parfois de lourdes valises ou des charrettes surchargées. Ils vont aussi bien vers le sud que vers le nord (certains ne peuvent franchir la frontière équatorienne et on les incite à rentrer chez eux).
Quelle doit-être la misère dans leur pays pour les pousser à parcourir des milliers de kilomètres à pied dans ces conditions !
L’anecdote : à Popayan nous nous rendons compte que nos euros viennent de faire un bond par rapport au peso colombien. Nous en changeons un peu plus qu’à l’habitude et nous voilà, contre un peu moins de 250 euros, en possession d’un million de pesos !
Ici, tout nous semble cher au premier abord car tout s’exprime en milliers : 2.000 pesos un café, 8.000 un repas … Mais si on ramène ça en euros, tout est bon marché …
Une autre chose qui nous frappe ces premiers jours, c’est la gentillesse et la familiarité des gens. Evidemment, le tutoiement est de rigueur et Nickie se fait appeler « querida », « amor », « mi reina », « corazon » … par les vendeuses.
Quant à Kika, à Silvia, elle emploie aussi beaucoup « vecino » et « vecina » (voisin, voisine) dans le village ce qui lui évite de retenir les noms de tous les gens. D’autant que souvent ils sont souvent connus par un surnom (« gordito », « loca », « flaco » …).
Autre particularité, alors que chez nous les prénoms sont souvent raccourcis familèrement (Stef pour Stéphane …), en Colombie ce sont les noms de famille qui le sont. Ainsi Espéranza appelle communément « Boulé » mon cousin, Patrick Boulétreau.
Le bestiaire : moi, je me sèche les ailes après une petite averse !
No comment
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