Colombie : La Guajira
Du 10 au 15 mars 2024
C'est une région unique et tout à fait à part, à l'extrême nord de la Colombie : la Guajira est un territoire aride, contrôlé par les communautés indigènes Wayuus qui préservent fièrement leur culture et leurs traditions ancestrales.
Les wayuus dépendent principalement pour leur subsistance de l'élevage de chèvres, de la pêche, et d'un peu d'artisanat. La région, très pauvre, est dépourvue de routes et d'infrastructures, et le tourisme commence à peine à s'y développer. Il est presque impossible de visiter seul la Guajira mais, avec et grâce à Esperanza, nous avons eu la chance d'y passer quelques jours en compagnie de deux guides wayuus.
C'est à Riohacha que nous retrouvons César, le contact d'Esperanza, avec lequel nous démarrons notre tour dans la Guajira. Première découverte : les salines de Manaure qui produisent un million de tonnes de sel par an. Les wayuus ont pu, à force de luttes, conserver une partie des salines, qu'ils exploitent de façon traditionnelle. Il faut dire que le soleil et le vent, ingrédients nécessaires à la production, sont largement présents toute l'année !
Par contre, les wayuus ne profitent guère de l'autre richesse de leur territoire : le charbon. La mine d'El Cerrejon, une des plus grandes du monde, a été vendue par l'état colombien à des multinationales. Une récente extension a entrainé le déplacement forcé de 1.200 familles, avec l'aide de paramilitaires, au début des années 2000. A plusieurs reprises, la mine a été condamnée par la justice colombienne à indemniser et à reloger la communauté, mais à ce jour rien n'a été fait dans ce sens.
Nous avons longé une partie de la voie ferrée qui, sur 150 kilomètres, relie la mine au terminal maritime de Puerto Bolivar. Cinq à six fois par jour, ce très long train charbonnier de 130 wagons transporte 15.000 tonnes de minerai jusqu'à la mer.
A Uribia, Cesar nous laisse pour la suite du voyage aux bons soins de deux guides wayuus, José et Juvenal, qui au premier abord nous semblent assez "rustiques". Mais nous apprendrons vite à nous connaitre et finalement ils se révèleront d'excellents compagnons, très drôles et attentifs à nos besoins.
Uribia est une petite ville plantée au milieu de nulle part qui concentre une grande partie du commerce de la région. Beaucoup de produits sont détaxés et la contrebande, une des spécialités wayuu, contribue largement à son activité (j'ai acheté une cartouche de cigarettes "Made in Korea" pour moins de 7 euros). Nous y avons fait quelques courses sans nous aventurer toutefois sur la viande de chèvre vendue partout dans la rue ...
José conduit (un peu brutalement il faut le dire) le 4x4, tandis que Juvenal, dont nous nous sommes demandés au premier abord à quoi il servait, le guide à travers le réseau de pistes qui se croisent dans tous les sens. Histoire de nous mettre dans l'ambiance, nous rencontrons sur la piste des patrouilles de policiers à moto : un conducteur et son passager ... qui brandit ostensiblement une mitraillette.
C'est pour la sécurité nous dit sobrement José.
En tous cas, nous arrivons sans problèmes (quoique un peu secoués, il faudra s'y habituer) à Cabo de la Vela où nous allons passer l'après-midi et la nuit.
L'unique rue de ce village construit sur la plage, devant une mer turquoise, lui donne des allures de far west.
Notre auberge, manifestement de bon standing pour la Guajira, reste disons, "en voie de développement", comme le sera d'ailleurs la suivante ! Ainsi, il y a des climatiseurs dans les chambres mais pas suffisamment d'électricité pour les faire fonctionner. On dispose aussi d'une douche et de toilettes bien installées ... mais il n'y a pas d'eau courante, donc on a recours à de grands baquets d'eau.
Pour les repas, c'est également assez simple : riz, bananes frites, poulet (à quelques exceptions poisson près, merci Silvia) !
Tandis que nous déjeunons, des femmes viennent tisser des mochilas, petits sacs typiques de la région, que portent tous les indiens. L'une d'entre elle a le visage couvert d'une substance brune, d'origine minérale nous explique José, pour se protéger du soleil.
La côte alentour est magnifiquement sauvage ...
C'est au phare qui marque ce "Cap de la Voile" que nous guettons les derniers rayons du soleil ...
... avant de rentrer au village où le ciel nous réserve encore quelques belles couleurs ...
Le lendemain nous reprenons la piste qui mène à Bahia Portete, une jolie baie bordée de mangroves.
Cet endroit, aujourd'hui si paisible, fut le théâtre d'un évènement tragique il y a juste 20 ans : une communauté wayuu a été attaquée par les paramilitaires de l'AUC qui ont tué 12 personnes tandis que 600 autres ont du fuir au Vénézuela !
Nous poursuivons notre route jusqu'aux dunes de Taroa tout au nord de la péninsule, parmi les pistes bordées de cactus et à travers les vastes salines de bord de mer. Des paysages qui nous rappellent irrésistiblement ceux du Sahara Occidental et de la Mauritanie.
Pour le reste du séjour, nous sommes logés dans l'auberge de Silvia, la cheffe de la communauté locale qu'Esperanza connait bien, ce qui nous vaut un accueil chaleureux ...
Sur ces photos, apparaissent nos deux guides, José et Juvenal, ainsi que Silvia dans son hamac
L'auberge est située devant une grande dune qui nous sépare de la mer ...
Nous découvrons en marchant le long de la plage les puits rustiques utilisés par les wayuus vivant alentour : de simples cuves en plastique, sans fonds, enfoncées dans le sable, récupèrent par capillarité l'eau filtrée par le sable.
Chaque famille possède son "puits" et vient s'y ravitailler deux fois par jour.
Pour l'auberge, ce sont deux jeunes garçons qui sont de corvée d'eau. Et eux n'ont pas d'ânes pour le portage : deux ou trois fois par jour ils doivent rouler un bidon de 200 litres d'eau à travers la dune, sous un soleil de plomb !
J'imagine qu'ils ne sont pas ravis de voir arriver des touristes comme nous qui vont augmenter la consommation d'eau de l'auberge ...
Nous aurons l'occasion de croiser d'autres "caravanes" transportant de l'eau. Comme dans toutes les zones désertiques, l'eau a une importance vitale et s'en procurer demande beaucoup d'efforts.
Dans notre séjour est prévue une sortie pour observer les flamants roses et nous gagnons par des pistes sablonneuses Bahia Hondita, où un pêcheur nous attend dans sa concession dominant la baie.
Nous partons en "lancha" à travers les mangroves vers une ile pour essayer de trouver les flamants mais il y a beaucoup de vent dans la baie, ils ne sont pas là. Après une petite balade sur l'ile, il ne nous reste qu'à rentrer à terre nous sécher car nous avons pris de bons paquets d'eau de mer pendant la traversée !
Pour terminer notre sortie, nous allons jusqu'à Punta Gallinas, le point le plus au nord de l'Amérique du Sud. Comme en Terre de Feu où nous étions il y quelques années, mais 7.400 kilomètres plus au nord et avec un tout autre climat, il y règne une curieuse atmosphère de bout du monde. Le lieu est plutôt austère : un pylône tenant lieu de phare, un bâtiment délabré, un poteau où les rares touristes vont se photographier et quelques marchandes, rien de plus ...
Encore quelques belles images au retour vers l'auberge pour notre dernière soirée ...
Il nous reste à retraverser la Guajira pour regagner Riohacha. Nous sommes maintenant six dans le 4x4 car nous ramenons Silvia jusqu'à Uribia où un taxi nous attend.
Nous essayons de nous imprégner de ces paysages si particuliers et de l'atmosphère des petits villages perdus, tout en profitant une dernière fois de la compagnie de nos hôtes wayuus ...
Nous croisons à plusieurs reprises des enfants rentrant de l'école et ma dernière image de la Guajira sera celle de cet incroyable "transport scolaire" saisi à travers la vitre du Toyota ...
Vous avez bien compté, ils sont huit sur la moto !
Encore un peu étourdis par ces quelques jours intenses, nous retrouvons la civilisation et l'hôtel La Maracuya à Riohacha chez Pastor et Piedad. C'est un havre de paix sous les manguiers et la clim dans les chambres, il faut le reconnaitre, ce n'est pas mal !
Nous avons acheté le matin sur la piste du retour, pour une dizaine d'euros, quelques kilos de petites langoustes qui nous régalent au diner (il en restera pour le lendemain)...
Avant de rentrer à Santa Marta, nous nous baladons le long de la grande plage sauvage de Riohacha ...
... avant de rendre visite aux fabricants et vendeurs de "mochilas", les sac tissés qui sont la spécialité de la Guajira ...
A côté, dans la rue, des pédicures proposent leurs services mais nous n'avons pas pris le temps d'essayer !
Une magnifique route nous ramène à Santa Marta, au milieu d'une végétation tropicale qui contraste avec l'aridité de la Guajira. Quelques arrêts en bord de mer et quelques achats de fruits et légumes en compagnie d'indiens dans leurs tenues blanches, des wiwas ceux-là, concluent en beauté notre parcours.
On the road again :
Voici un résumé en images de notre parcours dans la Guajira ...
La météo :
Le climat est aride dans la Guajira. A la différence de Santa Marta, l'humidité relative est faible dans la région, en particulier pendant la saison sèche, comme en ce moment. Bien qu'il fasse 35°, la chaleur parait de ce fait plus supportable.
Le saviez-vous ?
Comptant plus de 500.000 membres, le peuple wayuu vit depuis le XVème siècle à cheval entre la Colombie et le Venezuela. Ils sont connus pour leur riche patrimoine culturel et leurs traditions ancestrales, y compris leur artisanat traditionnel tel que le tissage de mochilas (sacs), de hamacs et de vêtements colorés. Ils ont également des pratiques religieuses et des croyances propres, basées sur l'animisme et le chamanisme, et une riche cosmogonie.
La société wayuu est organisée en clans matrilinéaires, où l'héritage et le statut social sont transmis par la lignée maternelle. Ils vivent dans des communautés appelées "rancherías", qui sont souvent dirigées par des chefs traditionnels ou des autorités locales, comme par exemple Silvia à Taroa.
Les wayuus ont leur propre langue, le wayuunaiki, qui est enseignée dans les écoles, mais beaucoup parlent aussi l'espagnol. Longtemps stigmatisés et exclus, ils n'ont cessé de lutter depuis des siècles pour la reconnaissance de leurs droits historiques. Aujourd'hui, ils sont un peu mieux reconnus et, par exemple, l'état colombien essaie de favoriser la transmission de leurs traditions par le biais du système éducatif.
Pour ceux que cela intéresse, je recommande l'excellent film "Les oiseaux de passage" (Parajos de verano) de Cirro Guerra et Cristina Gallego, avec de magnifique images de la Guajira mais aussi une présentation des défis qui attendent les wayuus, entre traditions et modernité. En voici la bande-annonce ...
Le top :
Trop difficile de faire un choix !
Même le flop fait partie des bons souvenirs ...
Le flop :
Entre mendicité et racket, le "péage wayuu" est extrêmement répandu.
Il y en a partout au long des pistes dès que l'on approche d'une zone habitée et le scénario est toujours le même : le gardien se tient à proximité d'une ficelle ou d'un câble tendu entre deux piquets tandis que notre chauffeur accélère au maximum en envoyant de furieux coups de klaxon pour laisser penser qu'il va tout arracher. Généralement les enfants cèdent à ce coup de bluff et lâchent la ficelle juste au moment où la voiture va passer. Mais si c'est un adulte ou un vieux qui se tient là, la voiture doit piler au dernier moment et il faut engager une palabre qui se termine généralement par la distribution d'une petite poche d'eau ou d'une dose de café.
Il y a même un vieux qui dispose d'une chaîne et d'un cadenas et qui, plus respecté sans doute du fait de son âge, perçoit un billet de 2000 pesos.
Lors de notre retour, en présence de Sylvia, les péages s'ouvrent beaucoup plus facilement car son statut impose le respect ...
Si cette pratique génère un petit revenu à quelques familles, pourquoi pas.
Ce qui nous choque, c'est que ce sont majoritairement des enfants, parfois tout petits, qui y passent leur journée, et qui de ce fait ne vont pas à l'école.
L'anecdote :
Une étonnante illustration des coutumes de la Guajira : Juvenal, notre guide, est marié à trois femmes !
Une mariée civilement au Vénézuela, une autre à l'église en Ccolombie, la dernière selon la coutume waayu ...
Autre anecdote : pendant notre voyage, je lis un dossier consacré à l'intelligence artificielle ce qui m'a donné l'idée de faire quelques essais. C'est ainsi que demandant une image photographique illustrant les paysages de la Guajira, j'ai obtenu ce résultat assez convainquant ...
Le bestiaire :
En l'absence de flamants roses, je vais me contenter de vous proposer cette jolie tarente qui à partagé notre chambre à Taroa ...
No comment :
Pour être informé des prochains articles, cliquez ci-dessous sur "S'inscrire à la newsletter".
Vous recevrez un mail pour vous prévenir de chaque nouvelle publication.
Commenter cet article