2013 - De Martil à Oujda
Mercredi 30 octobre 2013 :
Après une bonne nuit, troublée seulement par l'appel du muezzin vers 5 heures, nous partons visiter Tetouan toute proche. On y trouve l'une des plus belles médina du Maroc.
La médina de Tétouan.
La plupart des ruelles sont occupées par des échoppes et des centaines de marchands installés à même le sol. A l'heure relativement matinale où nous passons il semble d'ailleurs y avoir plus de vendeurs que d'acheteurs. Les étals sont souvent minuscules et réduits à un ou deux m2 mais on trouve de tout, même ça...
... et y compris aussi la spécialité du Rif, le haschich, que de nombreux hommes fument dans leurs longues pipes.
Après nous être suffisamment égarés dans les ruelles de la médina nous rejoignons la ville moderne qui conserve de beaux quartiers construits par les espagnols.
Nous prenons ensuite la route de Chefchaouen dont nous avons envie de revoir les jolies maisons bleues dans la vieille médina. Nous ne sommes pas déçus, c'est toujours aussi beau !
Les maisons bleues de Chefchaouen
Pour le retour nous prenons une petite route qui rejoint la côte à Oued Lahou par des gorges magnifiques. Lors d'un arrêt, nous surplombons un groupe de maisons niché 2 ou 300 mètres plus bas de l'autre côté des gorges, relié par un simple chemin de mules et une petite passerelle à l'autre rive. On doit y vivre presque en autarcie des petits champs au bord de l'oued.
Anecdote du jour : la route entre Tetouan et Chefchaouen est parcourue de vieux minibus Mercedes qui se traînent à 20 km/heure dans les côtes. L'un d'entre eux s'arrête devant nous et vu l'étroitesse de la route nous faisons de même. Un des passagers descend alors à l'arrière, suivi ... des cinq chèvres qui l'accompagnent.
Le saviez-vous ? Chefchaouen est une ville sainte de l'islam qui fut longtemps interdite aux chrétiens. Mais pas aux juifs, et c'est déguisé en rabbin que le Père de Foucault fut le premier européen à y pénétrer en 1883 ...
Boucle Martil - Martil : 180 kms de lacets (45 km/h de moyenne)
Jeudi 31 octobre 2013 :
Nous quittons Martil, sa plage et son joli front de mer ...
... pour joindre notre prochaine étape : le petit port de Cala Iris.
Nous empruntons la nouvelle "Rocade méditerranéenne" qui relie désormais Tanger à Oujda. Rocade est un terme un peu pompeux : c'est sur ce tronçon une route de montagne qui épouse tous les reliefs de la côte et est limitée à un maximum de 80 km/h. Impossible d'ailleurs d'aller plus vite compte-tenu des pentes énormes et des virages incessants et je ne vous dis pas quand on remorque une caravane.
Par contre elle offre des points de vue magnifiques sur la mer et les petits villages. On y rencontre d'une part les pêcheurs et leurs petites barques, de l'autre des paysans qui labourent leurs champs à la main ou aidés par leurs bêtes (ânes, mules ou boeufs). Nous croisons aussi de nombreuses femmes avec leur chapeaux de paille et leurs tenues bariolées, porteuses de bois, de bidons d'eau voire de bouteilles de gaz !
Dans un petit village, nous achetons une vingtaine de sardines que l'on nous grille et qui vont constituer notre repas de midi : un délice !
Nous nous arrêtons assez souvent pour contempler ces vues magnifiques, pour assister au retour des pêcheurs (belles daurades) ou à une rencontre de foot à laquelle je suis invité à participer ! Comme la moyenne n'est déjà pas très élevée, nous n'atteignons notre camp de Cala Iris, au bout de sa piste de terre, que vers 16 heures. Une petite marche jusqu'au port en contrebas nous dégourdit les jambes...
Nous sommes au bout du monde, notre petite maison à roulette surplombant la mer, avec le port un peu plus loin. Il y a juste avec nous une famille de français en vacances et Rachid le gérant du camp.
Le saviez-vous ?
Le Maroc est décalé d'une heure (en moins) par rapport à la France et en ce moment, comme nous sommes à l'est, le jour se lève un peu avant 6 heures (comme me l'a rappelé le muezzin ce matin) et la nuit tombe très vite et très tôt : à 18 heures on n'y voit goutte !
Anecdote du jour : dans chaque village, comme partout sur le bord des routes au Maroc,de petites gargotes sont installées pour accueillir les voyageurs. Ici, elles proposent manifestement un plat unique : des sardines grillées qui semblent être la seule possibilité de repas pour les voyageurs.
Martil - Cala Iris : 200 kms (4 heures de volant).
Vendredi 1er novembre 2013 :
Magnifique spectacle ce matin que le soleil inondant la mer et le port devant notre fenêtre.
Nous reprenons la route pour Port Hsaïn où nous pensons bivouaquer.
Au passage, nous profitons de la belle vue sur le peñon d'Al Hoceima, détenu par les espagnols.
La route est beaucoup plus facile et nous y arrivons vers midi. A priori on peut s'installer sur la plage ou sur le port, niché dans une petite crique, et nous choisissons le port bien tranquille car nous sommes vendredi. Sami, un allemand d'origine marocaine m'enseigne quelques secrets de la pêche dans le coin, me fournit du matériel et me conseille de pêcher plus tard ce soir. Il est là depuis la veille midi et a péché toute la nuit (environ 15 kgs de daurades).
Dans l'après-midi nous allons voir un coin curieux repéré en arrivant : la montagne est ravinée comme dans les Bardenas en Espagne et forme un paysage très étrange.
Quand nous rentrons, le port s'anime et nous comprenons que les pêcheurs vont travailler cette nuit. Ils font deux tournées de pêche : de 19 heures à minuit puis de 3 heures à 6 heures du matin. Finie la tranquillité, mais spectacle garanti avec toutes ces barques partant travailler par deux : une petite avec de très grosses lampes, une grosse embarquant un vaste filet et un équipage d'une douzaine de pêcheurs.
Vers 20 heures les camionnettes des mareyeurs qui collectent le poisson commencent à arriver et nous sommes priés (très gentiment) d'aller nous garer un peu plus loin. Est-ce pour se faire pardonner, on nous offre un ensemble de pâtisseries marocaines !
A 22 heures tous les bateaux sont partis et le calme revient. Nous en profitons pour nous endormir, on ne sait pas trop ce qui nous attend !
L'anecdote du jour : depuis que nous roulons le long de la côte, nous avons remarqué de jolis petits bâtiments blancs avec une tour de guet. Séparés seulement de quelques kilomètres les uns des autres ils sont occupés par la marine royale marocaine qui surveille ainsi attentivement la côte avec des jumelles, des radars et aussi des rondes de nuit sur le rivage. Apparemment la région est le lieu de tous les trafics : passagers clandestins, blanchiment d'argent ...et bien sûr drogue puisque la principale activité du Rif est la production de cannabis.
Spéciale Gillie, notre écossaise préférée qui démarre l'apprentissage du français : aujourd'hui il fait beau et chaud
(c'est aussi parait-il une contrepèterie belge !).
Cala Iris - Port Hsaïn : 109 kms
Samedi 2 novembre 2013 :
En fait nous avons très bien dormi et n'avons pas entendu les va et vient du milieu de la nuit. C'est donc vers 6 heures que nous découvrons, avec le lever du soleil, le retour du deuxième tour de pêche. C'est un spectacle extraordinaire qui nous est offert : tous les bateaux rentrent les uns après les autres, remplis à ras bord de sardines.
Les pêcheurs déchargent les sardines à l'aide de sortes de grandes épuisettes sans manche et les répandent dans des caisses alignées sur le quai.
De nombreux gamins et quelques adultes ramassent les sardines tombées à terre, chinent quelques poignées ici ou là et finissent par amasser de quoi remplir de grands sacs qu'ils revendent ensuite pour quelques dirhams : une forme de redistribution aux nécessiteux et, nous dit-on, une façon pour les pêcheurs de s'attirer la chance...
Les poissons couverts de glace sont ensuite chargés dans des camionnettes par des mareyeurs. Il ne leur reste plus qu'à sortir les filets du bateau pour les ranger en un gros tas sur le quai et à ranger les bateaux sur une grande cale à l'aide de treuils.
Nous profitons nous aussi de la générosité des pêcheurs et l'on nous offre à plusieurs reprises de gros sacs de sardines. Nous partons avec un bon kilo, nous aurions pu en avoir cinquante !
Nous continuons notre route vers l'est, tout au long de la côte juste qu'au Cap des Trois Fourches un peu avant Melilla, une des enclaves espagnoles au Maroc. On nous avait annoncé de la piste mais en fait c'est goudronné jusqu'au phare à l'extrémité de la presqu'île. Les paysages sont magnifiques depuis la petite route qui surplombe de deux ou trois cents mètres une mer émeraude
Près du phare, nous trouvons un lieu de bivouac splendide au-dessus d'une petite crique et nous y traînons, non sans quelques difficultés, la caravane qui a le mérite d'être légère ce qui permet de la dételer et de la manoeuvrer facilement en cas de besoin. Nous faisons griller une partie de nos sardines et prenons un bon repos avant de reprendre la route.
Nous quittons bientôt la côte pour prendre plein sud, direction Tafoghalt où l'on nous a conseillé une halte dans les monts des Beni Snassen, à l'ouest d'Oujda. Nous y arrivons en fin d'après-midi et décidons de passer deux nuits dans ce lieu tenu par des français et dédié à la randonnée pédestre, à la moto et au quad dans la région. D'où son nom de "Raid Oriental".
n aurait pu choisir plus moche et ça fait un peu contraste avec le bivouac de cette nuit plutôt roots !
Nous avons une très belle chambre et, cerise sur le gâteau, le tagine aux coings est excellent !
L'anecdote du jour : comme nous sommes devenu assez vite familiers de plusieurs pêcheurs de Port Hsaïn, l'un d'entre eux me laisse photographier la fameuse petite pipe que l'on voit un peu partout dans le Rif et son contenu ("Du bon haschich de Ketama" m'assure t'il).
Port Hsaïn - Tafoghalt : 207 kms.
Dimanche 3 novembre 2013 :
Après une bonne nuit dans notre chambre de luxe, nous partons marcher dans les environs du gîte. Nous grimpons d'abord au douar (village) voisin avant de parcourir une grande forêt de pins d'Alep et de thuyas. Puis nous redescendons sur le plateau dans la lavande, le thym, les palmiers nains... Arrêt auprès d'un jeune berger qui abreuve ses chèvres et moutons à un puits.
Au final une belle ballade qui nous a bien changé des kms fait en voiture ces derniers jours.
Après un petit repos réparateur nous allons au village de Tafoghalt faire quelques achats (amandes, olives..). Il règne une atmosphère de fête car les enfants sont en vacances et de nombreuses familles des alentours sont venues pique-niquer et se promener dans cet endroit réputé.
L'anecdote du jour : après nos courses, nous faisons quelques kilomètres pour visiter le site de la grotte du Pigeon. Là aussi beaucoup de monde. Comme nous passons près d'une famille qui est en train de manger des noix, on nous interpelle, et nous voilà à casser et manger des noix avec eux. Un exemple parmi d'autres de la gentillesse des gens de cette région...
Le saviez-vous ?
La grotte du Pigeon de Tafoghalt est mondialement connu depuis qu'on y a découvert un crâne ayant subi une trépanation réussie. Ce serait la première opération neurochirurgicale jamais réalisée puisque datant de quelques 12.000 ans !
Tafoghalt - Tafoghalt : 10 kms à pied.
Lundi 4 novembre 2013 :
Comme le coin est vraiment sympa, nous avons décidé de rester deux jours de plus et Marco, le patron du gîte, a accepté que nous occupions notre caravane pour les deux nuits à venir. Nous prendrons toujours nos repas du soir, excellents, au gîte.
Ce matin nous reprenons le Toy et faisons une bonne virée sur les petites routes du coin (grotte du Chameau, gorges de Zegzel, petite ville de Berkane...) Nous découvrons de très beaux paysages de montagnes, avec un habitat semblable à celui de l'Atlas : des maisons basses à terrasses faites de pierres, de terre et de paille, entourées de figuiers de Barbarie, de quelques arbres et d'agaves.
Par contre le vent souffle assez fort au moment du pique-nique prévu et nous ne trouvons pas de coin abrité. Qu'à cela ne tienne, nous rentrons à Tafoghalt où nous déjeunons tardivement d'un excellent tagine (environ 6,50 euros pour tous les deux) avant de rentrer nous réinstaller dans notre caravane.
L'anecdote du jour : je songe à ouvrir une rubrique "Le cadeau du jour". En effet pas une journée ne se passe sans qu'on nous apporte quelque chose : du poisson, des gâteaux, des noix.. Aujourd'hui de l'huile d'olive pour accompagner la galette de semoule que nous prenions en terrasse d'un petit café.
Tafoghalt - Tafoghalt : 130 kms.
Mardi 5 novembre 2013 :
Aujourd'hui nous avons prévu de faire une petite boucle, routes et pistes, vers le sud-ouest du massif. Craignant de manquer d'essence (les stations sont très rares, concurrencées qu'elles sont par le carburant de contrebande venant d'Algérie), nous faisons le détour par la petite ville d'El Aïoun. Bonne pioche : c'est le jour du marché et c'est toujours un formidable spectacle.
A voir notamment une magnifique bassine "Michelin 170/45/R14", le chargement des camionnettes, des courges impressionnantes et tout ce qu'il faut pour réparer les vélos.
Après toute l'agitation du souk, nous retrouvons avec plaisir le calme parfait des petites routes de montagne. Je m'arrête à un petit col pour photographier les belles meules de foin que l'on trouve dans la région et pendant ce temps ... Nickie se fait inviter au thé par une femme qui ramènede son troupeau chez elle !
Sa maison,qui est celle de toute la famille, est un ensemble de pièces construites en pierres comme les fermes de la région, autour de cours. Elle est toute proche, nous la suivons et retrouvons plusieurs filles et femmes de la famille. On nous installe dans une grande pièce au toit de bois qui est apparemment la chambre du père, on déroule nattes et tapis sur le sol en terre battue, on nous rince les mains avec de l'eau et on nous apporte le thé, plusieurs sortes de gâteaux, des arachides, des amandes, du pain et du fromage de chèvre (délicieux). Nous échangeons tant bien que mal, notamment avec une des filles, Rabha, qui est allée un peu à l'école et connaît quelques mots de français. Nos quelques notions d'arabe permettent de compléter un peu. C'est ainsi que nous apprenons notamment que la vieille femme qui nous a invités n'est pas la grand-mère mais la mère et qu'elle est plus jeune que nous...
Après avoir un peu picoré de tout, il nous faut à regret prendre congé. On nous embrasse les mains, on nous donne tout le reste des gâteaux et nous invite à revenir ! Bien qu'on ne nous demande rien, nous donnons deux petits cadeaux en échange de toute cette gentillesse... Encore un don venant de gens qui n'ont pas grand chose!
Notre pause pique-nique se fait sur une petite piste dominant le lac de barrage de Mechra Hammadi puis nous reprenons une très jolie petite route qui serpente dans un cadre superbe. Finalement les pistes prévues ont été goudronnées mais ça ne fait que faciliter la conduite d'autant que ces routes sont désertes.
Elles nous ramènent à Tafoghalt où nous commençons à avoir nos habitudes et connaître quelques commerçants.
L'anecdote du jour : les petits bourgs de campagne sont un véritable musée de l'automobile. On y rencontre encore beaucoup de vieilles Mercedes mais aussi des R12, des 504 et même des 404 Peugeot toujours en activité. Tout ça va un peu de guingois et j'ai vu une de ces 404 équipée de petites chaînettes pour retenir les phares pour le cas où il sortiraient de leur logement. Dans le même style, le capot était retenu par un sandow !
Le saviez-vous ? C'est une période de festivités et de vacances en ce moment au Maroc. Hasard du calendrier musulman, aujourd'hui commence la célébration de la naissance du prophète, l'Aïd el Mouled tandis que demain on célèbre l'anniversaire de la Marche verte (vous savez, quand les marocains sont partis en masse dans le sud pour occuper l'ex Sahara espagnol).
Tafoghalt - Tafoghalt : 155 kms.
Commenter cet article