Mauritanie 2014 - Une boucle dans l'Adrar
Mardi 18 février :
Il fait encore frais aujourd'hui mais le ciel reste dégagé.
Après divers transvasements de matériel entre la caravane et le Toyota pour que ce dernier nous permette de bivouaquer quelques jours, nous prenons la route de Chinguetti. Notre caravane va rester quelques jours à Azougui, sous la garde d'Abdallah, car il est évidemment hors de question de la trainer sur le parcours que nous envisageons d'emprunter les jours prochains.
La piste de la passe d'Ebnou est toujours aussi spectaculaire et nous mène sur le plateau où nous faisons un premier arrêt au niveau de Fort Saganne (celui qui a été construit pour le film avec Depardieu de S. Marceau) .
L'ancienne piste, passant par la passe d'Amogjar est désormais impraticable ...
Mais la nouvelle piste passe également par des endroits étonnants ...
Elle passe à proximité d'un site de peintures rupestres ...
Ces peintures rupestres nous rappellent qu'il y avait des vaches ici il y a quelques milliers d'années ...
La piste est assez roulante, entretenue pour les camions de Total qui fait de la prospection pétrolière dans la région, et vers 13 heures nous arrivons à Chinguetti où nous nous installons à l'auberge donnant sur l'oued. L'après midi nous nous promenons dans le vieux Chinguetti, de plus en plus ensablé même s'il garde encore un peu d'habitants autour de sa vieille mosquée.
Puis nous passons de l'autre côté de l'oued, dans la ville nouvelle où je m'offre un petite séance chez le barbier (pour 0,50 cts d'euros).
Au passage nous observons une partie de dames acharnée, à même le sable : crottes de chameau contre bouts de bois !
Enfin nous grimpons les 4x4 sur une dune pour le coucher de soleil sur l'erg Ouarane avant d'aller diner d'un couscous à l'Auberge des Caravanes.
Nous sommes absolument seuls à l'auberge, nos amis couchent dans leurs cellules et le gardien est rentré chez lui : la nuit sera tranquille ...
L'anecdote du jour : à peine descendus des voitures à l'auberge, une vendeuse de pacotilles nous apostrophe, bientôt rejointe par une seconde. Elles nous reconnaissent de l'année dernière et ne nous lâchent plus de l'après-midi. Malheureusement pour la ville, les touristes sont très rares depuis quelques années et la plupart de ces petites marchandes ont disparu de même que les petites auberges, les guides ...
Il semble heureusement que des avions vont revenir sur Atar, ramenant les touristes qui font vivre tant de famille.
Le saviez vous ? : pour désigner quelqu'un en Mauritanie, il faut connaitre non seulement son nom et son prénom, mais aussi le prénom de son père. Ainsi, quand j'ai essayé de me renseigner sur la présence de Mohammed Salem, on m'a invariablement renvoyé la question "Ould ?" à savoir "fils de ?" (c'est comme les Ben dans les pays arabes).
C'est ainsi que j'ai fini par apprendre que je cherchais Mohammed Salem Ould Sidi !
Azougui - Chinguetti : 100 kms
Mercredi 19 février :
Ce matin Marie et Gérard nous annoncent qu'il nous quittent pour remonter sur le Maroc. Notre programme s'annonce un peu délicat pour eux, notamment avec leur véhicule un peu lourd dans le sable et qui, de plus, consomme de l'essence, difficile à trouver dans la région. Nous les regretterons car nous avons passé de très bons moments ensemble mais, Inch Allah nous les retrouverons au Maroc plus tard.
C'est donc avec Jean et Christine (plus la chienne Vesta) que nous repartons, les pneus bien dégonflés pour affronter les dunes et les lits d'oueds ensablés.
Objectif : Ouadane, non pas par la piste tracée sur le plateau mais par "la piste du sable".
Nous ne regrettons pas notre choix car nous traversons des paysages de dunes magnifiques entrecoupés parfois de quelques passages sur le dur d'une zone de reg. De temps à autre, nous apercevons un campement ou un troupeau, mais pendant toute la journée de navigation au cap nous ne verrons pas un seul véhicule.
Vers 17 heures nous atteignons l'auberge-campement de Zaïda située juste devant les murs écroulés de la vielle ville de Ouadane et les petits jardins de la palmeraie.
Nous y faisons une petite promenade au coucher du soleil avant une douche bien méritée, la première douche chaude depuis que nous sommes entrés en Mauritanie !
Zaïda nous a préparé un bon repas de "lexours" (les crêpes aux légumes) que nous prenons en compagnie d'un couple de belges quelques peu originaux qui viennent chaque année passer quelques mois, loin de tout, à Ouadane.
L'anecdote du jour : en milieu d'après-midi la lumière est très forte et on ne distingue que très mal les reliefs dans les dunes. C'est ainsi que j'arrive sur une saignée dissimulée au bas d'une dune escarpée. Résultat : décollage immédiat mais heureusement le Toy retombe bien sur ses pattes. Je m'arrête pour signaler le danger à Jean qui me suit et constate, au vu des traces, ou plutôt de leur absence, que nous avons fait un bond d'environ 7 ou 8 mètres !
Le saviez-vous ? : Ouadane est une très ancienne ville fondée au XIIème siècle qui a connu ses heures de gloire du temps du commerce transsaharien : y transitaient l'or et le sel du sud, les tissus, bijoux et parfums du nord. Outre le commerce, elle était très renommée pour ses savants théologiens (oulémas) très nombreux.
Elle a compté une population bien supérieure aux trois mille habitants d'aujourd'hui et la vieille ville, sur sa falaise, n'est plus qu'un tas de ruines se confondant avec les roches environnantes.
Chinguetti - Ouadane : 100 kms
Jeudi 20 février :
Au lever le soleil brille déjà sur le campement de Zaïda et la journée s'annonce chaude.
Notre matinée est consacrée à une promenade dans la ville nouvelle. Nous avons envie de retrouver Mohammed Salem (Ould Sidi), avec qui nous avons marché en 2007, et avec qui, en 2008, j'avais fait la traversée de Chinguetti au Banc d'Arguin. Nous n'avons pas beaucoup de recherches à faire puisque nous tombons directement sur lui au marché. Les retrouvailles ne sont pas celles que nous attendions : Mohammed semble un peu mélancolique et nous comprenons que faute de touristes il n'a plus de travail de guide et que les chameaux utilisés pour les méharées ... sont partis à la boucherie !
Quelle tristesse pour quelqu'un qui, avec son père, a accompagné Théodore Monod dans toute la Mauritanie.
Par contre les enfants de Ouadane eux, sont bien expansifs. Nous sommes bientôt suivis par toute une troupe car c'est la récréation et ils ont liberté de se répandre dans la ville. Nous discutons un peu avec le directeur de l'école avant de retrouver la meute des enfants (la récré semble se prolonger pas mal). Chacun veut nous serrer la main, demander "Comment tu t'appelles ?" et ça tourne presque à l'émeute avant qu'un adulte vienne mettre un peu d'ordre dans les rangs et nous libérer de leurs assauts.
L'après-midi, après la sieste, est consacrée à la visite de la vieille ville avec un guide local. C'est très impressionnant de voir toutes ces maisons, écroulées pour la plupart, dans les petites rues qui sinuent au gré des courbes de la falaise. Seules ont été restaurées récemment la muraille qui entourait la ville et la mosquée. Mais on peut encore voir le puits et les greniers qui alimentaient les habitants en cas d'attaque extérieure. Toutes les maisons ont perdu leur toit, les dernières ayant été abandonnées dans les années 90, mais un petit panneau indique le nom des familles propriétaires.
Un dernier tour dans la ville moderne permet de faire le plein à la station, (pas facile à trouver quand le volet est fermé !) et d'admirer les petites échoppes typiques.
Nous finissons la journée en compagnie de Zaïda et de deux touristes français de passage avec leurs guides mauritaniens, tous très sympathiques. Pour une fois la soirée traine un peu en longueur car nous refaisons ensemble le monde, particulièrement l'Afrique. Lourde tâche !
L'anecdote du jour : un gamin fait l'imbécile devant un pick-up qui circule dans le village. Un adulte l'attrappe et lui envoie une grande gifle. Croisant le regard dubitatif de Jean il se justifie devant lui : "Je suis instituteur, il faut bien que je donne l'exemple" !
Le saviez vous ? : comme nous avons déjà pu le vérifier, la femme mauritanienne bénéficie d'un statut original dans le monde musulman, bien différent par exemple de celui de la femme marocaine.
Zaïda en est une illustration saisissante : environ 35 ans, divorcée à sa demande depuis 12 ans, elle a commencé dans la vie comme petite marchande ambulante de souvenirs pour les rares touristes qui atteignent Ouadane. Un jour elle est entrée dans une des deux ou trois auberges du village pour tenter d'y faire commerce mais s'est fait jeter dehors par le patron. Elle lui a aussitôt juré de se venger en créant sa propre auberge et de ruiner son affaire.... Aujourd'hui elle dirige une belle auberge, fréquentée par les touristes mais aussi par les employés des chantiers de prospection, tandis que les structures voisines sont fermées faute de travail !
Et il faut la voir au volant de son énorme 4x4 surélevé !
Vendredi 21 février :
Nous quittons à regret Zaïda pour nous diriger vers El Beyedh, un village de nomades situé au nord de Ouadane. Nous avons quelques difficultés à trouver la passe qui permet de monter sur le plateau jusqu'à ce qu'un fellah du coin nous rejoigne et propose de nous guider. Il fait ainsi six ou sept kms avec nous, nous explique la piste à suivre avant de repartir sans rien nous demander. Nous le retenons un peu pour lui offrir deux chemises en remerciement. La piste est très caillouteuse et on progresse lentement, ne croisant que quelques ânes sauvages.
Puis progressivement nous retrouvons un reg plus roulant, parsemé parfois d'un tapis d'acheb jauni (petites herbes apparaissant après la pluie - le régal des chameaux-) et de roses de Jéricho.
En début d'après-midi nous atteignons la passe qui permet de redescendre sur le cirque d'El Beyedh. Le panorama est magnifique mais la piste pour descendre plutôt mal pavée !
En bas nous approchons une tente de nomade dans laquelle les femmes nous invitent immédiatement, selon leur tradition, à boire une jatte de zrig (petit lait de chamelle mêlé d'eau de sucre) et le thé.
Petit à petit, les habitants des tentes voisines (il y a 28 raïmas au total) nous rejoignent : hommes, femmes, enfants plus tout un petit déballage de pacotilles, de pointes de flèches et de bifaces ramassés dans le coin qui est déballé devant nous. Après quelques cadeaux et achats de politesse, nous quittons le campement car nous commençons à être un peu trop sollicités de toutes parts !
Nous nous engageons dans une vallée très verdoyante, formant contraste avec les paysages minéraux et arides que nous avons traversés aujourd'hui et y installons le bivouac près d'un puits et d'un troupeau de chameaux.
La température est douce ce soir et il n'y a pas de vent, tout est réuni pour que la soirée et la nuit soient parfaites. Après le coucher de soleil, seul le chant des grillons nous accompagne.
L'anecdote du jour : dans la tente des nomades, un homme s'approche de moi et me demande sur le ton de la confidence : "Achtir mitriouïte ?". Après lui avoir fait répéter, je comprend qu'il me propose d'acheter un morceau de météorite. A défaut de l'acheter, ce qui est parfaitement illégal au même titre que les nombreux bifaces et pointes de flèches que l'on aligne devant nous, je serais bien allé l'observer mais sa tente est à plus de 10 kms ...
Le saviez-vous ? : pour nous rendre à El Beyedh nous avons longé le fameux Guelb er Richat, formation naturelle magnifique à observer sur Google Earth mais dont on ne perçoit rien quand on est dedans.
Ouadane - El Beyedh : 95 kms.
Samedi 22 février :
Nous avons très bien dormi dans notre petite tente jusqu'à ce que des ânes viennent braire au petit matin vers le puits voisin. Les chameaux sont toujours là à brouter tout près mais eux restent silencieux, indifférents au lever du soleil sur l'erg.
Nous poursuivons dans la vallée, entre une montagne et un grand erg (le dahr Chinguetti et l'erg Maqteïr), et le paysage est magnifique. Qui plus est l'orientation de cette vallée la protège du vent et c'est chose rare ici. Nous nous arrêtons un peu plus loin escalader un peu des dunes dont on ne voit pas la fin. Le 4x4 est bien petit dans ces vastes étendues !
Malheureusement il nous faut repartir car il nous reste 200 kms à parcourir jusqu'à Atar. A part quelques passages "piégeux" de franchissement de petites dunes ou d'oueds, nous roulons assez vite sur les regs et plus encore sur la grande sebkha Chencham, véritable billard sur lequel nous dépassons parfois les 100 kms/h.
A 16 heures nous atteignons Atar par le nord et la palmeraie près de laquelle se trouvent de beaux campements.
Après quelques courses et un thé chez Brahim sur la place, nous retrouvons avec plaisir notre caravane à Azougui. Nous sommes couverts de poussière et la douche n'est pas de trop. Le Toy, lui attendra un peu mais il mériterait aussi un bon nettoyage.
Le temps est nettement plus chaud progressivement et il fait encore 26° dehors quand nous nous couchons.
L'anecdote du jour : durant ces plus de 500 kms de pistes, nous avons rencontré (hors les villages) trois véhicules ... dont deux en panne ! Le premier à El Beyedhest en panne de gasoil. Jean, qui a des réserves, cède 20 litres du précieux liquide, de quoi rejoindre normalement la pompe à Ouadane.
Le lendemain matin, alors que nous roulons dans la vallée à 15 kms d'El Beyedh, nous voyons un mauritanien courir en hâte vers nous. Lui, il est en panne batterie et est parti avec un âne chercher de quoi la recharger auprès du véhicule que nous avons dépanné la veille.
Je l'emmène à son campement, proche de la piste et il prend ma batterie pour démarrer avant de la remonter sur mon Toy.
Au moment où je vais repartir il me demande si j'ai une télécommande ??!??....
En fait son pick-up tourne mais les portes sont fermées et la télécommande à l'intérieur !
Un grand moment de solitude dirait Bigard, mais ils sont si nombreux ici !
El Beyedh - Atar : 225 kms.
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